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mercredi 3 novembre 2010

Les élections américaines, édition 2010: argent et politique

Et voilà, les midterms les plus chères de l'histoire sont finies, les Républicains ont repris la Chambre (heureusement pas le Sénat). Et, en ces temps de crise économique et de rigueur budgétaire, comment ne pas s'interroger sur la provenance des fonds finançant les campagnes américaines? Mais depuis la décision fin janvier de la Cour Suprême dans le procès "Citizens United vs. United States" autorisant les entreprises à contribuer autant qu'elles veulent aux élections, (enfin pas tout à fait mais les "special interests" ont visiblement réussi à contourner les quelques limites laissées par les jugent, plus ici en anglais sur la décision en elle-même).

On a donc vu une profusion de publicités financées par des groupes aux noms très rassurants, souvent avec des fonds dont le public n'a plus le droit de connaître la provenance. La politique américaine a toujours connu des problèmes avec le pouvoir de l'argent, et les instincts libertariens des Américains les poussent à peu réguler le "marché des idées", mais mes chers US auraient-ils atteints un nouveau cap dans leur histoire politique?

Sans vouloir entrer dans la démagogie gauchiste qui nous pousse en France à protester contre la retraite à 60 ans au lieu de se rendre compte qu'elle est déjà à 65 et que le gouvernement a profité de la réforme pour commencer à sèrieusement raboter notre pouvoir d'achat, mais pour tout le foin qu'on a fait sur le côté insurrectionnel du Tea Party et la droitisation du parti Républicain, on oublie que cela correspond à la stratégie du GOP depuis Reagan, bien imitée par notre cher président Sarkozy: faire diversion avec la peur et les clivages moraux, sociaux et ethniques tout en promettant un avenir plus pur pour que les citoyens votent contre leurs propres intérêts économiques.

Dans le cas du Tea Party, dont on attribue la paternité à Rick Santelli, un ancien trader présentateur sur CNBC, ce mouvement protéiforme et effectivement symbole d'un ras-le-bol populiste, organisé aussi en grande partie par le "grassroots", a aussi sa part de "astroturf" (pelouse synthétique, soit un faux mouvement grassroots contrôlé en réalité par des "special interests"). Car le mouvement est aussi largement soutenu par des cadors du parti et des businessmen conservateurs. Que ce soit Karl Rove, Sarah Palin, Rupert Murdoch via Fox News, Dick Armey (ancien Speaker républicain de la Chambre), les frères Koch (à la tête de Koch Industries, un des plus gros producteurs d'énergie, surtout du charbon, des US), tous et bien d'autres ont financé et/ou publiquement aidé les Tea Parties. Mais le problème ici est que contrairement aux dons directs aux candidats et aux partis, les dons à des associations non-lucratives de type 527 et 501c(4) ne sont soumis à aucune obligation de divulgation. Or, la part de ces associations dans les investissements de campagne grandit constamment depuis presque une génération, atteignant un apogée cette année (sur $300 millions de dépenses cette année de ces associations, 42% viennent de dons non divulgués d'après ceci).
Ces candidats "tea partier", qui annoncent aux naïfs plus de liberté et moins de gouvernement, sont en fait tout droit issus de la révolution conservatrice des années 80-90 que ce soit par leurs valeurs morales et sociales (avortement, droits des homosexuels, immigration) ou par leur idéologie économique, la même qui a mené à la crise (dérégulation, baisse d'impôts pour les plus riches, baisse de la protection sociale...). Ils ne sont que l'enfant incontrôlable de cette révolution conservatrice initiée par Reagan et concrétisée par la prise du congrès par les Républicains lors des midterms de 1994, d'ailleurs ces mêmes midterms avaient aussi eu lieu juste après un long et houleux débat sur le système de santé américain.

Et s'il y a une chose que cette élection aura prouvé c'est que cette recette républicaine fonctionne plutôt bien de Reagan, à 94 à la non-élection de Bush en 2000, la face cachée de la droite américaine se cache de mieux en mieux et les intérêts financiers et économiques se cachent encore mieux, finançant des candidats endoctrinés, croyant que le capitalisme débridé est une obligation religieuse au même titre que l'homophobie ou la défense des fœtus. Si les donateurs les plus publics semblent réellement en ligne idéologiquement avec ces tea partiers, quand les plus grosses entreprises américaines financent les candidats conservateurs, le font-elles pour défendre des valeurs morales ou parce qu'elles savent que les Républicains leur assurent des baisses d'impôts?

Et encore une fois, ce sont les électeurs qui se font avoir, s'assurant un avenir plus sombre et précaire, attisant encore leurs peurs et permettant aux "special interests" de continuer leur travail de sape socio-économique.

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